Cette chronique d'Arnaud Robert relate les nuits asiatiques du Village du Monde, au 30e Paléo Festival de Nyon
Elle laisse son visage s'enliser sous une chevelure d'humus. Il faut du temps pour qu'elle révèle cet anneau, au bord du sourcil. Sevara Nazarkhan, dans une ombre de soie mauve, ne tamise pas entre cette culture qu'elle incarne presque seule au monde, celle d'Ouzbékistan, et celle des mondes électrisés qu'elle écume. Là-bas, elle était une presque Janet Jackson, sans bustier lâcheur, une star de la télévision et du papier très glacé. Ici, elle n'est qu'un nom long dans l'écurie de Peter Gabriel, Real World. Alors, elle tente tout pour marquer au fer le parterre fourni. Mercredi, elle est comme la sève de cette nuit étrange, vouée à l'Asie du centre, la moins connue.
Dans l'après-midi, ils se regardaient de coin. Okna Tsahan Zam, de Pamukie, de la Mongolie russe, au crâne rasé devant, touffu derrière. Il ouvrageait ses diphonies des plaines, drôle de hauteur qui naît de la gorge. Sevara savait qu'ils participaient ensemble, avec encore Yat Kha aux ampleurs chamaniques, du même plateau des découvertes. Chacun, à sa manière, est un marginal, une incongruité, chez lui. Punk, diva, mystique. Ici, ils sont catapultés ambassadeurs. Alors, ils font ce qu'ils peuvent de leur indépendance et de leur goût d'ailleurs. La world sait faire cela. Réduire à une origine géographique des êtres déterminés à se globaliser. A une langue des polyglottes.
Sevara Nazarkhan s'en sort. Elle fomente des rythmiques techno sur lit de luth ancien. Des lyrismes wagnériens. Des poses qui minaudent. Elle s'en sort. Parce que sa voix, qui dit autant les minarets crêpés du Caire que les divans matelassés de Bombay, cette voix de l'entre-deux raconte la musique en ses transports. L'Asie centrale est un estuaire. Sevara Nazarkhan, belle comme une rémission, comme un orage sec, y danse sur un pied. Cette année d'Asie, au Paléo, devait être la plus exigeante. A voir ces silhouettes amassées qui ne décollent pas, elle capture.
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