22 août 2005

Festival de Womad : Voix du monde

Comme lors des festivals précédents, ils étaient venus en force, quelque 30 000 personnes, en quête de nouveaux sons, de nouvelles sensations, passions et vibrations venues des tropiques, de l’Afrique, berceau de la civilisation, de l’Asie de la sagesse et des philosophes, et de l’Amérique latine des poètes et des mouvements révolutionnaires.

Ces humains que l’on croit à jamais disparus réapparaissent le temps d’un festival, avec toute la panoplie des t-shirts, tracts, livres et autres signes qui dénoncent les effets dévastateurs de la mondialisation qui « permet aux riches de devenir plus riches et enfoncent les pauvres un peu plus dans leur misère », pouvait-on lire sur une banderole. Leurs enfants, adultes précoces, semblent prêts à reprendre le flambeau et à perpétuer les rêves, les idéaux et l’étendard politique de leurs parents.

Petites filles et garçonnets copient maman et papa en portant des sarouels indiens ou pakistanais et des tuniques africaines aux couleurs chatoyantes. Ils arborent des coiffures rasta avec tresses africaines et se trémoussent aux sons de la musique gnawa, rap, raï, funk, punk ou hard rock comme de vrais danseurs professionnels. «

On ne les voit jamais, ou alors très rarement, pleurer, rechigner ou se plaindre. Ils passent leur temps à jouer comme des fous et ne sont jamais fatigués », fait remarquer un ami. Womad a été une fois de plus à la hauteur de sa réputation avec des dizaines de chanteurs, de groupes et de musiciens venus des quatre coins du monde.

L’Algérie, cette année, n’a pas été représentée par les poids lourds habituels que sont Khaled, Mami, Souaâd Massi, l’Orchestre national de Barbès et autres « monstres » des divers genres musicaux du terroir. L’honneur est donc revenu au chanteur et joueur de kamancha, Akim El Sikameya, qui a comblé le vide avec brio. Ce jeune natif d’Oran s’est choisi un nom de chanteur qui est un croisement de sika et de meya, deux des noubas les plus interprétées de la musique arabo-andalouse.

Sa performance samedi soir sous la tente géante de Siam a déclenché une véritable tornade de la part d’un public qui le découvre pour la première fois à Womad. « More, more, more » scandaient les milliers de festivaliers qui l’applaudirent pendant plusieurs minutes à la fin de son concert. Akim s’exécute et revient sur scène pour « enivrer » le public avec sa voix douce et mélodieuse, exprimant aussi bien le grave que le léger dans une musique qui mélange l’andalou, le flamenco, les cadences afro-hispaniques, les ballades sereines, le tout pimenté de couleurs celtiques, tziganes et bossa.

Lors du grand finale, dimanche soir, Akim, à la demande du public, a rejoint un géant de la folk music américaine, Ritchie Heaven, qui avait fait le festival de Woodstock, dans une performance où la voix grave et rythmée du chanteur Noir américain s’est mêlée à celle langoureuse et chaude du chanteur algérien dans un duo qui rappelle celui de Sting et Mami dans Desert Rose.

Même mélange de l’Orient et de l’Occident. A vous couper le souffle ! L’Afrique noire est toujours présente à Womad, avec cette fois-ci l’Ethiopien Mahmoud Ahmed, qui a fait sensation avec son style de musique soul ; l’étoile montante Jaojoby venue de Madagascar, ainsi que la belle Cap Verdienne Lura, qui chante accompagnée d’une simple guitare et de percussions.


Cependant, la palme est revenue samedi soir à la vedette mondiale, une des fiertés de l’Afrique, le Sénégalais Youssou N’dour et son groupe Super Etoile. Quel accueil ! Quelle popularité ! N’dour, égal à lui-même, a enthousiasmé le public avec une performance où se mélangent le style griot, l’African pop-rock-folk et la musique traditionnelle sénégalaise, le tout ponctué de ses longues envolées vocales. Une voix d’or que les mordus de Womad adorent.

Dans le registre international, les festivaliers se sont délectés des sons féroces de l’Asie avec les batteurs sud-coréens Kiki Dee et Dulsori, un ensemble de percussions composé de trois hommes et de deux femmes, aux style jazz à la Nouvelle Orléans, et jazz-funk exécutés par les jeunes Américains du Youngblood Brass Band.

Il y avait également le Renegade Steel Orchestra, un groupe très très « hot » de Trinidade, de la salsa dans la pure tradition argentino-uruguayenne avec le Bajofondo Tango Club, et d’autres chanteurs et groupes qui font que le festival mérite son nom de World of Music, Art and Dance. Les amoureux de cette « orgie » des musiques du monde aiment encore plus l’ambiance du festival, ses stands qui permettent de découvrir les plats aux sauces épicées et piquantes, les arômes et les boissons du monde entier et le formidable esprit de fraternité, de camaraderie et de convivialité qui y règnent.

Il faut voir ces bébés qui dorment dans leur poussette fleurie et peinte aux couleurs de l’Afrique, tandis que leurs parents se joignent à d’autres pères et mères pour partager le pain, le vin et le joint. Il faut voir cet esprit de tolérance, ces échanges de mots doux et de gentillesse entre gens qui partagent le même amour pour leur prochain, sans distinction de race, de sexe ou de religion. Merci Peter Gabriel d’avoir créé ce festival il y a 26 ans.

Merci de nous donner l’immense sentiment d’un bonheur profond de savoir que dans ce monde de terrorisme et de mondialisation, des gens humbles, chaleureux et foncièrement bons continuent de rêver, de vivre en paix et de transmettre leurs rêves et leurs idéaux à leurs enfants. La relève est assurée. We love you Womad.

M. Afroukh

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