Stereo Spirit
Chez Daby, on trouve un principe créateur d’un genre un peu spécial, entre la polyvalence de Shiva et le multi-usage du couteau suisse, qui le pousse à vouloir tout prendre en charge. Sur Diam, premier album pour le label de Peter Gabriel, Real World, il jouait déjà, à quelques exceptions près, de tous les instruments, de même qu’il portait tous les chants. Sur Stereo Spirit, il radicalise la démarche. “De la composition à la réalisation, et du mixage au mastering, je suis dans tous les processus.” Si ce parti pris relève bel et bien d’un challenge esthétique (Daby est quand même l’un des rares à avoir refusé les services de Brian Eno), il n’induit en rien la démonstration stérile d’un quelconque monsieur “je sais tout faire”. Sa musique semble plutôt s’enrichir du dénuement qu’il lui impose. De sorte que l’on s’y sent comme entraîné vers plus de limpidité, d’harmonie et d’unité.
Stereo Spirit, sans qu’aucun désir conceptuel ne pèse, évoque peu à peu un voyage intérieur où deux natures, deux histoires, deux bagages disparaissent dans un tout, et ce aussi sûrement que la séparation sonore entre canal droit et gauche s’y efface. Les douze chansons sont faciles à recevoir. Elles viennent à nous, belles et souriantes dans leurs cotonnades printanières. Elles ont des titres qui pourraient être des prénoms africains : Setal, Kiyé, Bibou, Yakaaré. Elles sont chantées en langues régionales (pular, wolof, soninké), parlent d’un quotidien précaire où rien ne va plus de soi, et chacune exhale une haleine fraîche et parfumée.
Ce pourrait être une rencontre océanique entre Cat Stevens, Jack Johnson et un Youssou N’Dour affranchi du m’balax. Mais c’est évidemment autre chose. Sur Yakaaré, Daby équilibre guitare acoustique et basse Nord Lead (un synthétiseur), façon de confirmer ses vœux de coexistence. Tandis que Yafodé lui fait alterner, en ravissante polyphonie, des voix mâles et femelles, comme s’il venait de réaliser là sa fusion des contraires, son parfait androgyne, une synchronicité entre l’ici et le là-bas, le je et le nous, le il et le elle. Au fait, Synchronicity, c’est pas le titre d’un album de Police ?
Francis Dordor
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