Un accent de titi. Une allure de raver. Daby Touré est Parisien, depuis 18 ans. Il a donc autant sautillé dans les sables d'outre-mer que sur les quais de la Seine. Pourtant, il est à l'affiche du Village du Monde, jeudi, sous l'étendard mauritanien. «Pourquoi lutter? Si je m'offusquais à chaque fois que l'on me range dans la case Afrique, je ne jouerais jamais.» Daby a signé il y a trois ans un premier album (Diam) sur le label de Peter Gabriel, Realworld. Avec les valises de pognon que le chanteur anglais tirait de sa pop, il a décidé de changer le monde. Ouvrir une maison de disques qui amènerait aux oreilles occidentales les sons d'ailleurs. De belles pochettes, un son impeccable, une distribution à la hauteur. Histoire de ne plus entasser dans les galetas du savoir ethno ces perles du Sud.
Realworld n'a rien changé. Les ghettos semblent même renforcés. Daby n'est pas Parisien, parce qu'il chante en des langues vernaculaires (peul, wolof, entre autres) et jouit d'une peau noire. «On nous demande toujours, en tant qu'artistes africains, de clamer notre africanité. Je n'ajoute pas de balafon à mes morceaux, donc on me considère parfois comme un traître.» Sous le dôme de Paléo, il ajuste des compositions de chansonnier moderne, avec des effets d'électronique, des bricolages d'aujourd'hui. Il ressemble à tous les musiciens urbains de notre siècle qui trafiquent avec les technologies et les instruments à cordes. Il peaufine une expression contemporaine avec, comme décor parmi d'autres, la mélodie du désert.
Etre né quelque part. Daby Touré, dont les racines et l'enfance sont aussi sénégalaises, voyait certains membres de sa famille exporter au Nord une musique qu'ils définissaient comme du rock. Le groupe s'appelait alors Touré Kunda. Un quart de siècle plus tard, Daby a toujours le sentiment d'être un rockeur parmi d'autres. Il aime Ben Harper. Et les crissements sur le bitume. Mais on le range dans la world, c'est-à-dire dans l'autre monde. Tout autour de lui, sur l'Asse, on vend des loukoums dans une Casbah reconstituée. Et personne à qui en vouloir.
Arnaud Robert, le Temps
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