JOHANNESBURG (AFP) — Steve Biko reste une figure populaire en Afrique du Sud, trente ans après sa mort dans les geôles du régime d'apartheid, même si les idées du père du "Mouvement de la Conscience noire" ne pèsent plus directement sur la scène politique.
"Dans la culture populaire, il est un puissant symbole d'espoir, une figure du changement", déclare son fils, Nkosinathi Biko, président de la Fondation Steve Biko.
Pour marquer les 30 ans de la disparition du militant anti-apartheid, la Fondation organise depuis juin une série d'évènements qui doivent culminer mercredi au Cap (sud-ouest) avec un discours du président Thabo Mbeki.
"Il nous a aidés à comprendre et à construire notre identité, et cela parle toujours aux jeunes Sud-Africains", poursuit Nkosinathi Biko, assurant que l'influence de son père reste réelle.
"Steve Biko est sur les T-shirts, dans des chansons, dans les journaux (...) Il attire toujours beaucoup de considération mais ses idées n'ont plus d'influence dans l'élaboration de la politique, ni au parlement", relativise Kopano Ratele, professeur à l'Université d'Afrique du Sud (Unisa).
Biko, selon lui, "est bien plus influent dans la culture populaire que dans la politique au sens strict."
Arrêté par la police du régime ségrégationniste le 18 août 1977, Steve Biko alors âgé de 30 ans, était retrouvé sans vie dans sa cellule le 12 septembre.
Dans un premier temps, le pouvoir a soutenu qu'il n'avait pas résisté à une grève de la faim mais des journalistes ont réussi à prouver que sa mort avait été provoquée par des traumatismes crâniens.
Interrogé, le ministre de la Justice de l'époque, Jimmy Kruger avait déclaré que la mort de Biko le laissait "froid". Indignée, la communauté internationale avait adopté pour la première fois des sanctions contre le régime d'apartheid.
L'écho international de cette mort tragique a fait de Steve Biko un héros de la lutte pour la libération. Les hommages se sont multipliés: films, livres, chansons. "Oh Biko, Biko... Yehla Moya, The man is dead..." (Oh Biko, Biko, esprits calmez-vous, l'homme est mort), chante le Britannique Peter Gabriel.
Trente ans plus tard, cette chanson fait toujours pleurer un autre héros de la lutte anti-apartheid, l'archevêque Desmond Tutu, qui s'est effondré quand Peter Gabriel l'a entonnée en juillet, pour le 89e anniversaire de Nelson Mandela.
"Ce morceau me touche beaucoup", confie Premesh Lalu, professeur à l'Université du Western Cap (UWC), qui estime indispensable de commémorer la mort de Steve Biko.
"Mais on doit tirer plus de ses idées", note-il. "Aujourd'hui on a tendance à mettre dans le même pot tous les opposants à l'apartheid et à oublier qu'il y avait des visions différentes".
Steve Biko s'était distingué en créant en 1969 le premier syndicat étudiant exclusivement noir, l'Organisation des Etudiants sud-africains (SASO). Contrairement aux autres mouvements de libération, la SASO refusait l'aide des libéraux blancs.
Pour Biko, la lutte devait commencer sur le terrain psychologique: "la Conscience Noire est la prise de conscience par l'homme noir de la nécessité de faire front commun avec ses frères contre l'oppression (...). Elle vise à communiquer à la communauté noire une nouvelle fierté", expliquait-il en 1971.
Treize ans après la chute de l'apartheid, ses idées restent "pertinentes", estime son fils. Pour lui, à cause du chômage et de la pauvreté, "les noirs courent toujours le risque d'être spectateurs d'un jeu auquel ils devraient participer".
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