> Zazou was tireless in creating fertile fusions
Disparition d'Hector Zazou, un missionnaire volage
Avec Hector Zazou, on ne sait pas si c’est le premier des postmodernes ou le dernier des hommes de la Renaissance qui a disparu le 8 septembre. Touche-à-tout et avant-gardiste, élitaire et populaire, généreux et retenu, savant et instinctif, il laisse une œuvre singulière, rare, diverse, contrastée, une œuvre sur laquelle il est difficile de tracer des lignes de force et de cohérence, tant il a exploré de lieux variés dans les musiques populaires du XXe siècle.
C’est un pionnier des synthétiseurs autant qu’un pionnier de l’exploration de tout l’éventail des musiques existantes qui se révèle avec l’album Barricades 3 enregistré en compagnie de Joseph Racaille en 1976 et, au début des années 1980, avec sa collaboration très remarquée avec le chanteur congolais Bony Bikaye. Les disques et les – trop rares ! – concerts de Zazou Bikaye annoncent ce que seront les années 1990 de Peter Gabriel, Jon Hassell ou Jean-Philippe Rykiel : les nappes numériques jaillies des circuits imprimés épousant le grain de voix africaines riches de leurs siècles de tradition… En même temps, il jongle avec les clichés narratifs et musicaux de l’aventure exotique dans l’album précurseur Reivax au Bongo en 1986…
Ce missionnaire de la découverte musicale et de la rencontre osée brouille toutes les pistes, accumulant des aventures qui l’envoient à l’autre bout de plusieurs mondes pour revenir à Paris mixer, reconstruire, re-rêver des albums systématiquement novateurs et intemporels à la fois. Il produit les Nouvelles Polyphonies corses, qui mettent les polyphonies au risque de l’électro (et emportent une Victoire de la musique en 1992). Il enregistre Chansons des mers froides avec une foule d’interprètes de tous les Nords (Björk, Suzanne Vega, Siouxie…), Sahara Blue en hommage à Arthur Rimbaud (avec Gérard Depardieu, John Cale, David Sylvian, Dominique Dalcan, Lisa Gerrard, Richard Bohringer…), une plongée dans l’Irlande (l’album Lights in the Dark, sorte d’inverse des Pogues enregistré avec Peter Gabriel, Ryuichi Sakamoto, Brendan Perry, Breda Mayock), un disque et une tournée éblouissants avec la chanteuse rock américaine Sandy Dillon… "Je suis un peu volage", admet-t-il volontiers...
Un univers différent à chaque disque ? "C’est comme ça que ça se passe dans la bande dessinée, nous avait-il expliqué un jour. Pourquoi n’en serait-il pas de même en musique ? Si on reste au même endroit, c’est souvent qu’on y est obligé : on s’oblige soi-même, il y a des impératifs de type marketing, des pressions de l’extérieur et de l’autocensure."
Ce musicien volage est aussi devenu expert. On lui commande six heures de musique pour le grand défilé populaire qui ouvre la coupe du monde de football en France en 1998, grand voyage évoquant chaque continent et convergeant en une vaste symphonie multiculturelle. Outre des collaborations sporadiques ici ou là, il était aussi un réalisateur d’albums recherché et avait signé des disques de Yungchen Lhamo, de Laurence Revey ou de Carlos Nunez.
Il fait partie de ces musiciens dont on ne sait plus s’ils pensent ou jouent le plus. "Ce qui m’intéresse, c’est le son même. Le moment où j’enregistre n’est pas le moment qui m’intéresse le plus", nous avait-il confié. Moyennant quoi, il joue de tous les instruments : "S’il faut souffler dans un truc pour produire un son, je veux bien le faire. Mais si j’enregistre une partie de guitare, je vais passer plus de temps à la travailler ensuite." Mais il parvient à devenir virtuose – un des meilleurs – d’un instrument que l’on utilise en général pour ses vertus d’habillage sonore, le theremin. "De temps en temps, j’en joue bien ; de temps en temps, j’en joue très mal. La machine elle-même a ses caprices…"
Sa dernière entreprise discographique n’est pas la moins singulière : une série de pièces composées sur des images en mouvement du peintre Bernard Caillaud, présentées sur Q+C (comme Quadrichromies), CD et DVD publiés en 2006. Et il venait de mettre la dernière main à un album enregistré en Inde, In the House of Mirrors, qui paraitra à titre posthume le 6 octobre, chez Crammed.
Grand voyageur de musiques, il était aussi, sous son identité d’état-civil, Pierre Job, un respecté journaliste globe-trotter, notamment pour Le Figaro Magazine.
Disparition d'Hector Zazou, un missionnaire volage
Avec Hector Zazou, on ne sait pas si c’est le premier des postmodernes ou le dernier des hommes de la Renaissance qui a disparu le 8 septembre. Touche-à-tout et avant-gardiste, élitaire et populaire, généreux et retenu, savant et instinctif, il laisse une œuvre singulière, rare, diverse, contrastée, une œuvre sur laquelle il est difficile de tracer des lignes de force et de cohérence, tant il a exploré de lieux variés dans les musiques populaires du XXe siècle.
C’est un pionnier des synthétiseurs autant qu’un pionnier de l’exploration de tout l’éventail des musiques existantes qui se révèle avec l’album Barricades 3 enregistré en compagnie de Joseph Racaille en 1976 et, au début des années 1980, avec sa collaboration très remarquée avec le chanteur congolais Bony Bikaye. Les disques et les – trop rares ! – concerts de Zazou Bikaye annoncent ce que seront les années 1990 de Peter Gabriel, Jon Hassell ou Jean-Philippe Rykiel : les nappes numériques jaillies des circuits imprimés épousant le grain de voix africaines riches de leurs siècles de tradition… En même temps, il jongle avec les clichés narratifs et musicaux de l’aventure exotique dans l’album précurseur Reivax au Bongo en 1986…
Ce missionnaire de la découverte musicale et de la rencontre osée brouille toutes les pistes, accumulant des aventures qui l’envoient à l’autre bout de plusieurs mondes pour revenir à Paris mixer, reconstruire, re-rêver des albums systématiquement novateurs et intemporels à la fois. Il produit les Nouvelles Polyphonies corses, qui mettent les polyphonies au risque de l’électro (et emportent une Victoire de la musique en 1992). Il enregistre Chansons des mers froides avec une foule d’interprètes de tous les Nords (Björk, Suzanne Vega, Siouxie…), Sahara Blue en hommage à Arthur Rimbaud (avec Gérard Depardieu, John Cale, David Sylvian, Dominique Dalcan, Lisa Gerrard, Richard Bohringer…), une plongée dans l’Irlande (l’album Lights in the Dark, sorte d’inverse des Pogues enregistré avec Peter Gabriel, Ryuichi Sakamoto, Brendan Perry, Breda Mayock), un disque et une tournée éblouissants avec la chanteuse rock américaine Sandy Dillon… "Je suis un peu volage", admet-t-il volontiers...
Un univers différent à chaque disque ? "C’est comme ça que ça se passe dans la bande dessinée, nous avait-il expliqué un jour. Pourquoi n’en serait-il pas de même en musique ? Si on reste au même endroit, c’est souvent qu’on y est obligé : on s’oblige soi-même, il y a des impératifs de type marketing, des pressions de l’extérieur et de l’autocensure."
Ce musicien volage est aussi devenu expert. On lui commande six heures de musique pour le grand défilé populaire qui ouvre la coupe du monde de football en France en 1998, grand voyage évoquant chaque continent et convergeant en une vaste symphonie multiculturelle. Outre des collaborations sporadiques ici ou là, il était aussi un réalisateur d’albums recherché et avait signé des disques de Yungchen Lhamo, de Laurence Revey ou de Carlos Nunez.
Il fait partie de ces musiciens dont on ne sait plus s’ils pensent ou jouent le plus. "Ce qui m’intéresse, c’est le son même. Le moment où j’enregistre n’est pas le moment qui m’intéresse le plus", nous avait-il confié. Moyennant quoi, il joue de tous les instruments : "S’il faut souffler dans un truc pour produire un son, je veux bien le faire. Mais si j’enregistre une partie de guitare, je vais passer plus de temps à la travailler ensuite." Mais il parvient à devenir virtuose – un des meilleurs – d’un instrument que l’on utilise en général pour ses vertus d’habillage sonore, le theremin. "De temps en temps, j’en joue bien ; de temps en temps, j’en joue très mal. La machine elle-même a ses caprices…"
Sa dernière entreprise discographique n’est pas la moins singulière : une série de pièces composées sur des images en mouvement du peintre Bernard Caillaud, présentées sur Q+C (comme Quadrichromies), CD et DVD publiés en 2006. Et il venait de mettre la dernière main à un album enregistré en Inde, In the House of Mirrors, qui paraitra à titre posthume le 6 octobre, chez Crammed.
Grand voyageur de musiques, il était aussi, sous son identité d’état-civil, Pierre Job, un respecté journaliste globe-trotter, notamment pour Le Figaro Magazine.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire