Tout sur Robert
Par Laurence Liban
Travailleur infatigable et homme-orchestre de la scène mondiale, le Québécois Robert Lepage, acteur-auteur-metteur en scène-cinéaste, est en France pour deux spectacles. A ne pas manquer
Québec, 5 septembre 2005. Sur la scène du Périscope, à deux pas de la rue Cartier, l'acteur, mi-nigaud, mi-finaud, ne sait trop comment s'y prendre. Pour un peu, il ferait pitié. C'est qu'il s'agit de Robert Lepage, le grand Bob, qui a accepté de jouer l'idiot du jour, rôle d'un soir dans lequel le comédien invité ne connaît pas la pièce dont il sera le personnage. Finalement, Lepage emportera le morceau grâce à ses talents d'improvisateur. Et aux rires, tout acquis, de ses fans.
Invité pour la cinquième fois au Festival d'automne, Robert Lepage rassemble, de par l'Asie, les deux Amériques et l'Europe, un large public d'aficionados. Mais son premier public, c'est celui du Québec, sa terre natale, qui le connaît depuis le début des années 1980, grâce aux retransmissions télévisées des matchs de la toute jeune Ligue d'improvisation théâtrale. C'était l'époque de ses 20 ans. Androgyne façon Bowie, nourri de Genesis et de Gentle Giant, Bob se la jouait «jeune et faible», variation québéco-narquoise du «jeune éphèbe grec», dixit son copain le comédien Yves Jacques.
Depuis, l'éphèbe a fait du chemin. Il a emmené tout son peuple en Chine, avec La Trilogie des dragons, et marché sur La Face cachée de la Lune; Peter Gabriel a fait appel à lui pour un show d'anthologie et Guy Laliberté, patron du Cirque du soleil, lui a commandé une scénographie d'enfer à Las Vegas. Il a monté des opéras, réalisé des films, été le premier Américain du Nord à mettre en scène Shakespeare à Londres. Il a pris du ventre, renoncé à l'alcool, perdu son ventre, trouvé la voie du bonheur et accumulé un savoir considérable sur un tas de choses. A 47 ans, il est plus décoré qu'un général de l'Armée rouge. Sa curiosité est intacte, son énergie éclatante, sa créativité sans frein. Mais, pour la première fois depuis le lycée, ce globe-trotter «multi-activiste» a pris des vacances. Nobody's perfect...
Paris, 25 août 2005. Dans un bar bien famé de Pigalle. Richard Castelli accepte de parler de Lepage. Directeur d'Epidemic, société productrice des spectacles du Québécois en Europe et au Japon, il est l'homme de la situation. En 1989, Castelli voit Le Polygraphe. Un choc. «C'est là que j'ai compris pourquoi je faisais ce métier de producteur, explique-t-il. Le spectacle était en adéquation inouïe avec le monde contemporain tant par le sujet - l'ambiguïté sexuelle, la drogue, la musique - que par les dispositifs narratif et scénographique. En utilisant les notions de champ et de contrechamp, en juxtaposant les scènes de manière instantanée, en éclatant la narration, Robert Lepage introduisait le cinéma dans le théâtre. A l'époque, cela n'était pas fréquent.»
Plus tard, dans La Face cachée de la Lune, on verrait un voyageur assoupi dans une salle d'attente d'aéroport s'éloigner en apesanteur dans l'espace. Comment? En inversant la perspective grâce à un jeu de miroirs. Sur la question de la perspective, Lepage est imbattable. Car ses années d'adolescence consommatrice de marijuana lui ont laissé, outre une dépression carabinée, le souvenir d'images artificielles fascinantes, à l'origine de sa poétique de l'espace et de ses recherches technologiques....(lire la suite ici)
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