Concert du Hadouk Trio au Mail de Soissons
Bien plus qu'un concept fédérateur, l'utopie est l'essence même du trio Hadouk, sa nature profonde, sa force vive depuis plus de dix ans, son âme insaisissable aussi. Car Hadouk est un monde par lui-même, fait de racines aériennes et de terres rêvées, un continent imprévu qui pointe entre l'Afrique et l'Orient, un rivage improbable qui s'avance entre jazz et world, une véritable rose des vents qui se dessine sur le portulan des musiques du monde. Bref, Hadouk c'est une cosmologie en soi, avec ses constellations et ses horizons libres, ses lignes de grande transhumance et ses astres de première magnitude.
Charmeur de vents, Didier Malherbe attrape de son phrasé inimitable, les mélodies que zéphyrs et alizés lui apportent de toutes les latitudes. Cofondateur du mythique Gong avec Daevid Allen, il défend ensuite bec et anche la trille alerte et le slap éolien auprès de Jacques Higelin et de Brigitte Fontaine, de Robert Wyatt et de Pierre Bensusan. Depuis longtemps, à côté du saxophone et de la flûte, Didier apprivoise la bourrasque et cisèle la volute dans ces exquis réceptacles à turbulences que sont le bansouri, les ocarinas, et bien sûr le doudouk, hautbois arménien en bois d'abricotier au son doux et pensif. Grand connaisseur du roseau et infatigable babilleur, il a également publié un recueil de sonnets intitulé L'Anche des Métamorphoses.
Méhariste éclairé, Loy Ehrlich a été de toutes les équipées trans-sahariennes, aux côtés de Youssou N'Dour, Touré Kunda, Geoffrey Oryema, mais aussi de Peter Gabriel. Poly-instrumentiste, fin joueur de kora et de sanza, spécialiste du hajouj, la basse des gnawas, Loy a également mis dans ses claviers toutes les épices des marchés du monde. On le connaît aussi comme arrangeur et producteur, ainsi que programmateur du festival d'Essaouira.
Bourlingueur invétéré, Steve Shehan promène quant à lui son grand sac à rythmes sur toutes les coutures de la planète, pour en capter les forces sismiques. On l'a entendu avec Paul Simon, John McLaughlin, Paul McCartney, Christian Vander, Brian Eno et tant d'autres... Bois et argiles, cuirs et métaux n'ont plus de secret pour lui. Car Steve joue avec le temps comme avec la matière, et c'est le diaphragme du monde qui bat entre ses peaux. Il a par ailleurs à son actif plus d'une douzaine d'albums.
Après avoir célébré la chimère totémique (Shamanimal) et s'être hissé au sommet du perpétuel présent (Now), Hadouk emprunte désormais l'orbe altière du gyroscope cosmique. Après l'amble du désert et le groove végétal, voici le swing météorique ! Placé sous les auspices de la toupie céleste, ce cinquième album fait ainsi la part belle aux élans tourbillonnants, valse, pulse ternaire, danse spiralée et autres envolées giratoires.
De nouveaux instruments ont rejoint la panoplie de nos chasseurs de sons : khen, orgue à bouche du Laos, gumbass assemblant la caisse du guimbri et le manche de la basse électrique, hang au croisement chatoyant du steeldrum et du gamelan . Autant de territoires sonores qui s'inventent dans la distance prise depuis le terroir d'origine...
Hommage de trois navigateurs au long cours, à celui qui fut le pionnier de la world music à travers son concept de Quatrième Monde, Hadouk invite le trompettiste américain Jon Hassell sur trois morceaux : dans un ultime envoi, l'utopie rejoint alors l'orbite des grands empires imaginaires. Entre toupies et utopies, voici donc une nouvelle série de belles tourneries et de rêveries nomades, qui enlacent et emportent sur l'autre face du monde.
Bruno Heuzé?source : happy aisne
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