Hector Zazou passe de l’autre côté du miroir
Eliane Azoulay, Télérarma Le 9 septembre 2008
Le coup de foudre fut immédiat pour le nouvel album d’Hector Zazou, In the house of mirrors. L’envie est venue aussitôt de comprendre la démarche de l’iconoclaste compositeur, si discret à ses claviers, en arrière-plan d’un languide et onirique entrecroisement de cordes indiennes et ouzbeks. Et d’en savoir plus sur ce titre énigmatique, en référence à la galerie de glaces de La Dame de Shanghaï.
Cette fois, le dandy cultivé féru de Raymond Roussel, Eric Satie ou Robert Wyatt, s’était effacé derrière le savoir-faire des musiciens asiatiques qu’il était allé chercher dans leurs lointaines contrées. Il avait succombé aux vertiges de la lenteur et de la sérénité, lui qui avait commencé par le free-rock le plus déjanté (Zazou/Racaille) avant de faire le grand écart entre pièces pour quatuors à cordes (Balanescu Quartet) et afro-funk-électro (Zazou/Bikaye). Au long de son parcours, ce touche-à-tout aux allures de savant illuminé s’était également intéressé aux polyphonies corses, aux vocalises tibétaines, aux gospels du pôle Nord. Parmi ses complices musicaux, Björk, Brian Eno, John Cale, Jon Hassel, Khaled, Manu Dibango et même… Gérard Depardieu ! Mais jamais il n’avait su capter aussi intensément l’âme des traditions ainsi approchées.
Un entretien fut donc demandé à la maison de disque Crammed, petit label bruxellois qui a souvent accompagné ses pérégrinations d’explorateur curieux des sons du monde. Et la nouvelle, terrible, est tombée : Hector Zazou était atteint depuis juin dernier par « une forme très agressive de cancer du système lymphatique ». Exceptionnellement, il pourrait répondre à mes questions, mais par mail seulement. Cette interview fut la dernière qu’il ait accordée : la maladie l’a emporté, à 60 ans, dans son sommeil, la nuit du 8 au 9 septembre.
« Attirer l’attention de l’auditeur sur la manière dont certains sons se répondent et se reflètent à l’infini. » Hector Zazou expliquait ainsi le titre en forme de clin d’œil au film d’Orson Welles. Le déclic initial était venu d’une commande de France Musique pour des brèves, des « virgules » utilisant les résonances des sons.
« Aller au cœur du son », écrivait-il dans son mail. Ou encore « Voir le tissu sonore comme à travers un microscope… Appréhender les notes par un processus de grossissement de certains éléments… » Zazou a toujours eu un penchant pour le conceptuel.
« Tout au long de la trentaine de disques que j’ai enregistrés en tant que compositeur ou réalisateur, ajoutait-il, je n’ai jamais envisagé de mettre une saharienne et un casque colonial. Je ne suis pas un donneur de leçons, plutôt un éternel étudiant en quête de savoir. Pour In the house of mirrors, j’avais commencé à faire des comparaisons théoriques. Mais mes calculs se sont avérés complètement fantaisistes. Quand j’en ai parlé aux musiciens, ils ont souri : “Si nous voulons jouer ensemble, la meilleure méthode est de nous écouter et de modifier, de temps en temps, quelques notes.” »
Au fil des rencontres entre les instrumentistes ouzbeks et indiens – aux luths Toir Kuziyev, « le Ry Cooder des steppes », au violon, Milind Raikar, à la guitare « slide » Manish Pingle, à la flûte Roju Majumdar – est né le désir de faire appel à quelques amis occidentaux. Ainsi sont arrivés le souffle lunaire d’un trompettiste norvégien, un lancinant violon hongrois, un piano andalou, une flûte asturienne.
Derrière ses claviers, Zazou s’est livré à de légers bidouillages pour triturer, prolonger, amplifier les notes et leurs résonances les plus ténues. Les quatorze années de jeunesse qu’il a vécues en Algérie sont sûrement aussi pour beaucoup dans les tonalités orientalisantes de ce bain indo-ouzbek. « Notes et résonances, écrivait-il, forment des vagues qui poussent l’instrumentiste à plonger de la surface de l’onde vers le cœur même du son, à l’intérieur de lui-même. »
2 commentaires:
:'-(
Adieu Mr Zazou.
Euh je rajoute un 2e commentaire : Toir Kuziyev c'est le musicien de Sevarah Nazarkhan il me semble non ?
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