Mr. Chanteur filou et Dr. batteur Philou
S'il est un chanteur filou, Philou est aussi et avant tout un fantastique batteur.
Interview exclusive de Phil Collins réalisée pour Batteur Online.
Extraits :
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BO: Ce qui est sûr c'est qu'on finit par oublier avec le temps à quel point Genesis était un groupe phare des années 70, poussant l'esthétisme très loin. On considère ce groupe comme du rock-progressif, je serais tenté de dire que c'était de la pop-progressive, qu'en penses-tu ?
PC: Oui. C'est assez juste. C'est toujours difficile de parler de ce genre d'expérience avec distance, parce quand tu es dans le groupe, quoique tu puisses en penser, tu es coupé de la perception personnelle des fans du groupe. Quand j'ai intégré le groupe pour l'album "Trespass" (1971 NDJ), j'ai été vraiment très surpris par le résultat. C'était très différent de ce qui se passait à l'époque, avec des groupes comme King Crimson, Pink Floyd, Yes. Les harmonies et les mélodies étaient très douces, sans dissonnances. Peter (Gabriel NDJ), Tony (Banks clavier NDJ), et Mike (Rutherford guitares, basses NDJ) étaient de vrais compositeurs, bien que jeunes (21 ans à l'époque NDJ). Même si les arrangements étaient assez complexes, même s'il y avait beaucoup de parties, il n'en reste que c'était des chansons avant tout, pas des prestations musicales, des prétextes pour de longues envolées instrumentales. Nos compositions étaient et restaient de vraies chansons. Quand tu parles de pop-progressive, tu as raison dans ce sens. Nous voulions faire des hits, nous voulions passer à la radio, et dès le début de Genesis, nous avions cette idée en tête, tout en faisant du Genesis. Et nous n'avons jamais vraiment réussi dans les premières années du groupe à hisser ce genre de morceaux. Parce que nous étions incapables de jouer des morceaux de trois minutes trente.
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BO :Tu as enregistré le troisième album de Peter Gabriel sobrement intitulé « Peter Gabriel III » sans cymbales. Aucune. Comment as-tu réussi ce coup-là et comment Peter en est venu à cette idée ?
Juste avant ce troisième album de Pete, j'ai divorcé et j'avais beaucoup de temps et une folle envie de combler le vide en travaillant. Ne plus penser à cette déchirure en bossant comme un fou. Pete n'avait pas de batteur à ce moment-là. Son groupe était constitué d'Américains, comme Tony Levin à la basse qui le suit toujours, et à l'époque, Jerry Marrota à la batterie. Il étaient des sessionmen. Peter ne pouvait pas les coincer chez lui pendant trois mois pour composer. Je lui ai dit que j'étais là et que j'avais vraiment envie de travailler avec lui. On est de très bons amis, donc on s'est mis au travail avec John Giblin à la basse un clavier et un guitariste. On est resté deux mois dans son home studio, à travailler et à composer les morceaux de son troisième disque. Je travaillais en même temps mon premier album solo. Bref, cette période de travail finie, Peter a rappelé ses musiciens américains, Jerry et Tony etc. pour l'enregistrement final. Mais comme il est loyal, il nous a demandé d'enregistrer des morceaux que nous avions travaillés durant deux mois. Il m'a dit qu'il ne voulait aucune cymbale. Je lui ai dit : « Peter soit sérieux, je ne peux pas jouer sans cymbale ». J'avais compris son idée. Je savais où il voulait en venir, revenir aux fondamentaux de la percussion, joués sur une batterie. Mais il m'était impensable de ne pas ponctuer de temps en temps par une crash ou en rajoutant une charley ici ou là. Je me disais même que de rajouter quelques cymbales accentuerait l'aspect percussif qu'il souhaitait imprimer à ses morceaux. Mais bon, il s'en foutait, il avait son idée en tête. Alors j'ai retiré les cymbales de mon set et en lieu et places de crash ou de ride etc., j'ai joué des rototoms. Et le plus grand moment fut quand on a obtenu un son de batterie hallucinant que nous avons développé avec l'ingé son.
BO: Ah, le fameux son à la Phil Collins des années 80 ?
Et ouais. J'avais un son de tom très ouvert, et j'avais volontairement détendu mes peaux. On avait rajouté un noise gate (effet sonore de compression). Dans mon casque, j'avais le son de la console. Quand je frappais la batterie, couplée avec le noise gate, j'avais un son qui se rapprochait dans l'esprit du levee Breaks de Led Zeppelin. Je me suis amusé pendant une dizaine de minutes avec ce son qui figure finalement sur le premier morceau de l'album de Pete. Par la suite il y a eu une sorte de débat autour de ce son. « Est-ce que c'est un son développé par Peter Gabriel que Phil Collins a repris ou est-ce l'inverse ? » Quand j'ai joué ce rythme avec ce son pendant une dizaine de minutes, j'ai demandé à Peter si je pouvais en avoir une copie. Il m'a répondu bien sûr. J'ai même demandé à Peter si je pouvais être crédité en tant que compositeur parce que ce son et ce rythme sont les forces vives, les parties les plus intéressantes du morceau. Il m'a dit qu'il n'y avait pas de problème. Il m'a mis dans cette position où je devais jouer différemment : me creuser par la tête trouver des sons, jouer avec, remettre totalement en question mon drumming. J'ai eu droit à une série de critiques quand j'ai sorti On The Air Tonight, parce que les gens croyaient que c'était le son de Peter Gabriel, mais en fait, c'était le mien, celui que j'ai cherché et trouvé.
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