Manu Katché et Jan Garbarek, seigneurs du jazz
Manu Katché et Jan Garbarek, seigneurs du jazz
Qu'est-ce qu'une ouverture heureuse ? Manu Katché (batterie), Jan Garbarek (saxophone), Franck Avitabile (piano) pour les vingt ans du Tourcoing Jazz Festival. Un programme énorme. Une histoire soutenue par la ville. Un théâtre à l'italienne au son parfait. Des musiciens heureux.
Voici une douzaine d'années, le directeur artistique du festival, Patrick Dréhan, propose une carte blanche, en jazz, à Manu Katché. Où ? A Dunkerque. Katché a quitté sa ville de Saint-Maur-des-Fossés pour New York, où, depuis vingt ans, il écume la scène pop-rock : Peter Gabriel, Sting, Axel Bauer. C'est un choix de batteur exact, subtil, formidablement présent et heureux sur scène. Dunkerque le ramène donc au jazz.
Or Jan Garbarek, star norvégienne depuis le free jusqu'à Keith Jarrett, trente-cinq ans de carrière au sommet, inaltérable idole de la jeunesse, a entendu Katché sur trois titres de Sting. Dunkerque les rapproche. Petrucciani est au piano. Depuis, Garbarek reste Garbarek, un son (saxophone ténor) de rasoir nordique, une puissance inégalée, une place essentielle dans l'esthétique du label munichois ECM, un air de jeune homme, un public d'ados.
Manu Katché, cependant, a pris sa place dans le monde du jazz sur le même label (Neibourhood). De la banlieue, il dit simplement : il suffit de bien jouer de la batterie. Tous deux, ils ont des allures de seigneurs, quand ils bavardent avant de jouer. Katché s'est adjoint un jeune pianiste, Franck Avitabile, qui, dans le genre études de haut niveau (la prestigieuse ENS mathématiques de Lyon) va le plus loin dans le piano.
Avitabile, pour le toucher, la main gauche, l'esprit classique et le délié swing, est inégalable. Son trio (Jérôme Regard, contrebasse ; Dré Pallemaerts, batterie), formidable de précision et de douceur. Avitabile, Manu Katché, Garbarek, plus Alex Tassel (bugle) sur la scène de Tourcoing, l'ensemble vit, bouge, remue, sur un fond de perfection remise en jeu.
L'album à succès d'Avitabile (Short Stories, Dreyfus) résume l'esprit de la réunion : plus d'incantations diluviennes, juste des pièces courtes, incisives, enlevées. En face, un public de 20 ans de moyenne d'âge. Le jazz, un truc de vieux ? Sans doute : un truc de vieux joué par des jeunes pour les jeunes. Ce qui n'est d'ailleurs pas la question, mais qui prend nom d'enthousiasme.
"Planètes", Tourcoing Jazz Festival. Divers lieux. Du 12 au 18 novembre. Thomas Dutronc (le 12), Sophie Alour, Aldo Emmanuel (14) ; Renaud Gracia-Fons, Anouar Brahem (15) ; Dee Dee Bridgewater, Daniel Mille, Sébastien Texier (16) ; les Belmondo et Yusef Lateef, Charles Lloyd (17) ; Bona, Sixun, Magma (17) ; J.-J. Milteau (18). Tél. : 03-20-68-54-10. Entrée libre ou de 8 € à 25 € ; formule "pass" 75 €.