WOMAD 2006 : L'Afrique à la "Une"
L’édition 2006 du festival WOMAD a été un véritable triomphe pour la musique africaine. Et s’il y a un pays qui a véritablement été célébré cette année, c’est la Mali représenté par trois grandes stars, Salif Kéita, Toumani Diabaté avec son Symetric Orchestra et Djelimady Tounkara. Un quatrième artiste malien, Kader Kéita était en résidence, accueillis par la Fondation WOMAD.
"Comment se fait-il que ce pays pauvre et enclavé d’Afrique de l’ouest soit devenu une superpuissance musicale?", s’interrogeait le journaliste britannique Andy Morgan, dans une chronique publiée dans la brochure officielle du festival.
Les réponses à cette question sont nombreuses, mais celle avancée par Toumani Diabaté est l’une des plus stimulantes pour ce pays : "Tout le monde affirme que nous sommes un des pays les plus pauvres du monde, déclare-t-il, mais nous sommes l’un des plus riches en terme de culture. Notre musique arrive dans tous les endroits du monde aujourd’hui, là où les gens ne connaissent même pas le nom de notre président".
Sur l’immense podium de l’Open Air Stage, le plus grand espace de spectacle du festival, près de trois milles festivaliers se sont donnés rendez-vous à 22 heures 30, ce vendredi 28 juillet. C’est le premier soir du festival, et le premier événement du Womad. Ils sont là pour voir Salif Kéita, présenté comme la plus grande voix du mali et une véritable icône musicale.
Ce soir-là au Womad, c’est le délire dans une foule portée par la voix unique de l’albinos. Un critique anglais a écrit sans réserve qu’aux côtés d’Otis Reding, Samy Davis et Marvin Gaye, Salif Keita demeure un des véritables grands chanteurs de soul.
Sans doute est-ce dans cette rencontre de l’acoustique puisée dans les racines musicales au Mali et celle des maîtres de la soul américaine que les musiciens maliens trouvent leur force. On pense à Ali Farka Touré.
D’autres grands noms de la musique Africaine ont également eu les honneurs du festival. C’est le cas de la béninoise Angélique Kidjo, une des grandes figures de la world musique. Angélique Kidjo a présenté au Womad, la dernière phase de sa trilogie musicale, engagée il y a maintenant huit ans.
"Cette trilogie est née de mon désir de retrouver hors d’Afrique les racines de la musique de chez moi, les racines de la musique d’Afrique qui ont été transportées ailleurs dans le monde par nos ancêtres à travers l’esclavage", nous a-t-elle expliqué.
"Cette exploration a commencé en Amérique, aux Etats-Unis où j’ai découvert que même la musique irlandaise avait quelque chose des rythmes africains. Mon exploration s’est ensuite poursuivie au Brésil, et en particulier à Salvador de Bahia, la ville la plus africaine hors d’Afrique, où j’ai eu le sentiment d’être chez moi, au Bénin. Enfin, je me suis rendue à Cuba. Cuba où j’ai rencontré de très vieux musiciens qui jouent de la guitare comme jamais je ne l’ai vu jouée ailleurs dans le monde. Dans ce pays, j’ai compris à quel point la musique pouvait être une thérapie et un véritable espace de liberté pour un peuple qui en est sevré».
Sur la scène de l’Open Stage, ce fut une Angélique Kidjo, très Afro-américaine, avec au menu du calypso, de la salsa, du zouk, du ska qui se combinaient à ce son africain très caractéristique et porté par sa voix unique. Et lorsqu’elle se lança au milieu de la nuit de ce samedi 29 juillet dans une interprétation émouvante de la chanson culte, Malaika de Myriam Makeba, c’est tout le public qui chavira.
Autre moment fort de l’Afrique au WOMAD 2006, le rendez-vous avec le Nigérian Femi Kuti. Héritier de l’Afro beat créé par son père, la légende Fela Kuti, Femi est, aujourd’hui, le plus grand représentant de la musique nigériane contemporaine, et une des plus grandes voix musicales du continent.
La musique pour lui, comme elle le fut pour son père, est une arme politique. Aujourd’hui, Femi ne cache pas son optimisme de voir la démocratie triompher en Afrique et dans son Nigeria. Interrogé par Vanessa Mulangala de BBC Afrique sur les échéances politiques à venir au Nigeria l’année prochaine il ne cache pas son optimisme : «De toute façon, la démocratie finira par s’imposer, a-t-il déclaré à BBC Afrique. L’année prochaine, il y aura forcément un changement et c’est une excellente chose».
Le WOMAD est le plus grand festival de world musique dans le monde. Que l’Afrique y soit de plus en plus honorée aux côtés d’artistes venus de tous les continents et de pays les plus divers, n’est pas fortuit. Des sud-africaines, Mahotella Queens, du Congolais Kanda Bongo Man, des Touareg du Niger Etran Finatawa pour ne citer que ces quelques noms ont apporté chacun dans son style et son genre la confirmation que la musique du continent bouscule la porte d’entrée du monde.