N'est pas visionnaire qui veut
Finalement, cette rentrée s'annonce assez mouvementée, du fait des alliances qui se sont nouées ou défaites au fil de l'été. Par exemple, celle d'Universal avec Google, que j'évoquais dans mon dernier billet. Ou encore celle de MTV avec RealNetworks (Rhapsody). Ou celle d'Universal Music France avec Neuf Telecom.
D'ici au Midem 2008, c'est tout le secteur de la musique en ligne qui risque de se métamorphoser, de voir ses modèles un peu poussifs remisés au placard, d'innover, de s'industrialiser, de se concentrer un peu, aussi, et de se lancer dans une féroce bataille concurrentielle. Certains signes ne trompent pas, comme la réaction immédiate d'Orange au lancement du service Neuf Music de Neuf Telecom, par exemple.
Une multitude de services de musique illimités vont éclore, sur les mobiles, les PC, qui seront gratuits pour l'offre de base (limitée à un seul genre musical chez Neuf Telecom), et forfaitisés pour les offres premium (écoute et téléchargement illimités).
Ils feront parti désormais du package de services par défaut des fournisseurs d'accès, des opérateurs mobiles, des fabricants de hardware et j'en passe. Ces services vont également irriguer les moteurs de recherche (gBox), les réseaux sociaux et les blogs (avec les widgets, comme ceux que vient de lancer Apple, sous le label My Tunes).
Globalement, le deal est plutôt équilibré. D'un côté, le consommateur, parce qu'il est abonné à Internet ou chez un opérateur mobile, accède gratuitement à un service de base illimité et à une offre plus large pour un coût forfaitaire relativement modique (le prix d'un paquet de cigarettes tous les mois chez Neuf Telecom). De l'autre, les ayant droit sont rémunérés via les accords passés avec les opérateurs.
Bien sûr, tout cela est farci de DRM. Et c'est probablement là que le bas blessera. Car les contraintes liées aux DRM risquent de dissuader les consommateurs d'adopter massivement ces services, ce qui est la condition sine qua non de leur succès.
La musique s'écoute, se copie et s'échange. Les offres de téléchargement sans DRM s'accordent avec ce tryptique, même si les stratégies divergentes des uns et des autres - Universal Music qui snobe Apple, Warner Music et Sony BMG qui continuent à intégrer des DRM à leur musique - contribuent à entretenir une certaine confusion.
Mais tôt ou tard les DRM disparaîtront, comme ont disparu les protections contre la copie sur les CD.
Ce n'est pas ce qui se profile, en revanche, dans le cas de ces offres illimitées qu'on peut s'apprêter à voir pulluler, et qui pour être illimitées, n'en enfermeront pas moins le consommateur dans un carcan de contraintes techniques, et l'empêcheront de copier et d'échanger librement.
Vivement, donc, les offres illimitées sans DRM. Ca nous changera. Ou plutôt cela correspondra un peu mieux aux nouvelles pratiques qui se développent et qui pour certaines d'entre elles ont même tendance à se généraliser, comme de ramener deux gigas de musique sur une clé USB de chez un ami.
En attendant, certaine grande figure de la musique pop contemporaine, qui se double d'un pionnier de la distribution en ligne et d'un business angel avisé, est déjà passée à l'étape suivante.
Peter Gabriel, puisqu'il s'agit de lui, vient en effet d'investir quelques millions de dollars dans The Filter, un système de recommandation et de génération de playlists qui se lance sur le marché. Le service, qui peut reconnaître cinq millions de titres, compte déjà 150 000 utilisateurs et en séduit 25 000 de plus chaque mois.
Dans ce registre, je vous ai déjà parlé sur ce blog de Music IP. Gabriel a compris que genre d'outils deviendra très vite le nerf de la guerre, parce que c'est eux qui feront qu'une musique sera écoutée ou non, et rémunérée équitablement à terme, en conséquence.
"La première vague de la révolution numérique a apporté la liberté de choix, et à consisté à faire que tout soit accessible à tous, depuis n'importe où, à tout moment", explique Gabriel à The Independent. "Je pense que la prochaine vague va nous libérer du choix, il sera possible de filtrer et de se concentrer sur ce qui correspond le mieux à nos attentes", poursuit-il.
N'est pas visionnaire qui veut, et s'il ne fallait écouter qu'un seul prophète, je préfèrerais Gabriel à Job...
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