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27 janvier 2008

Peter Gabriel: "Le modèle payant est dépassé"

Peter Gabriel, "Personnalité de l'année du Midem 2008", n'est pas venu au grand marché international de l'industrie musicale les mains vides. Pionnier des musiques du monde, entrepreneur avant-gardiste passionné par la révolution Internet, l'ancien membre fondateur de Genesis défend sa nouvelle plateforme de téléchargement de musique, We7, basée sur la gratuité, en échange de la publicité.

Peter Gabriel n'est pas qu'un musicien de talent. C'est aussi un businessman à la pointe des nouvelles technologies.

JDD: Vous semblez plutôt stimulé par la révolution Internet, à la différence de l'ensemble des acteurs de l'industrie musicale...

Oui pour moi il s'agit d'une opportunité excitante plutôt qu'un désastre. Pour les artistes, le Net permet de toucher les masses avec très peu d'argent. Au niveau de la distribution, c'est fantastique. J'espère voire une grande révolution venir : il existe des possibilités nombreuses de changer le contenu, la nature même de la musique produite, avec beaucoup plus d'audaces et d'expérimentations, pas forcément guidées par les impératifs économiques. Car Internet offre une vitrine inédite pour les musiciens dits "marginaux" Et donc une plus grande liberté de création pour des artistes qui peuvent produire et diffuser leur musique par leurs propres moyens. J'aime cette idée que les artistes auront peut-être un peu plus de travail, mais plus de liberté aussi. Reste la question centrale, le public est-il prêt à encore acheter des disques ? Oui, les succès de Mika ou Amy Winehouse le prouvent.

JDD: Après OD2, créée en 2000 - bien avant I-Tunes -, vous avez lancé en juin dernier We7, une plateforme de téléchargement de musique gratuite financée par la publicité. Vous ne croyez pas aux sites payants?

Pour les jeunes, le modèle payant est dépassé. Ils ont grandi avec Internet et n'entendent pas débourser un centime pour de la musique. Aujourd'hui, le prix de la gratuité passe par la publicité. Et je ne suis pas un adepte fervent de la publicité, loin de là. Mais comme elle est partout, pourquoi pas sur des sites de téléchargement où elles seront moins nombreuses que sur les radios ou télés commerciales. Sur mon site, quand un internaute télécharge un titre, il verra apparaître une publicité sur son écran. Mais la "nuisance" sera temporaire puisque la pub disparaîtra au bout de quatre à six semaines après le téléchargement du titre. A l'arrivée, vous gardez la musique sans la pub. Cela me semble une solution acceptable, la seule pour garantir la gratuité à l'internaute et assurer un revenu aux artistes.

JDD: Il s'agit de publicités ciblées obtenues grâce à des données personnelles des internautes. Quid de la protection de la vie privée?

C'est un problème. Il faudrait toujours garder l'option pour l'internaute de communiquer ou non des données personnelles. Mais il ne faut pas oublier un fait important: l'ère de la sphère privée est aujourd'hui révolue. A Londres, nous avons plus de caméra dans la rue que dans n'importe quelle autre ville au monde. Si je veux chercher des informations sur une personne, il suffit de faire un tour sur les réseaux sociaux comme Myspace et surtout Facebook...

JDD: Des maisons de disques sont déjà intéressées?

Des labels indépendants surtout comme V2 et Sanctuary (tous deux rachetés par Universal). Une major serait également intéressée... Nous en sommes au début de l'aventure mais nous avons déjà 1,3 millions de connexion pour 80.000 titres disponibles, dont des morceaux de Herbie Hancock, Coolio et des artistes plus confidentiels mais passionnants.

JDD: Et les annonceurs?

Michael Moore pour son film SiCKO, le premier à nous faire confiance. Sony Ericsson aussi et quelques autres qui tentent l'aventure. Michael Moore m'a dit que ce type de publicité se révèle aussi efficace que les pubs au ciné.

JDD: A terme, les maisons de disques vont-elles devenir obsolètes?

Non. Mais elles doivent apprendre à travailler différemment. Un petit groupe de grandes maisons de disques ont dicté les règles, cette époque est révolue, la situation s'est inversée. En outre les maisons de disques regorgent de gens passionnés, et ils doivent être utilisés à bon escient, dans des structures plus flexibles où ils seront plus efficaces que dans ces grands monstres monolithiques. Mais j'en suis convaincu, les maisons de disques existeront toujours. Radiohead a fait une belle opération avec son nouvel album : laisser l'internaute fixer le prix du CD. Mais dans le même temps, ils ont mis en vente un très beau coffret avec deux CD, un livre avec des visuels et des bonus pour 40 livres. Je l'ai acheté d'ailleurs. Et aujourd'hui, leur album est aujourd'hui distribué par une maison de disque.

JDD : Vous avez pensé quoi du dernier album de Radiohead?

Je suis fan, j'adore leur détermination à briser les frontières et à continuer à explorer. Cela me rappelle les débuts du rock progressif.

Vous avez prévu de sortir votre album cette année?

Franchement, à mon âge, je m'en fous. Je le sortirais quand il sera prêt. Je vais aussi attendre de voir l'évolution de la situation avec EMI pour me décider.

EMI traverse effectivement une crise avec la fronde d'artistes comme Robbie Williams et Coldplay, le départ des Rolling Stones et le plan de rigueur de Guy Hands (patron du fonds de pension italien Terra Firma qui a racheté EMI), lequel menace de virer les artistes non rentables...

J'ai grandi dans une ferme. Mon père faisait écouter de la musique à ses vaches et je peux vous garantir que le lait produit était de bien meilleure qualité que celui du voisin qui, lui, tapait ses vaches. Si vous voulez du bon lait des artistes, il faut s'en occuper et bien les traiter, avec respect. Guy Hands a du multiplier les rencontres avec des businessman, mais peu avec des artistes. Je pense qu'il ne les comprend pas vraiment, il semble même en avoir peur. Mais le business est basé sur le travail des artistes.

La tournée de Genesis l'été dernier ne vous a pas donné envie de rempiler avec vos anciens camarades?

Je n'ai même pas eu le temps de les voir. Mais je n'ai rien contre une reformation, ce n'est pas hors de question.

Par Eric MANDEL le JDD.fr

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