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13 septembre 2005

Manu Katché au naturel

À la recherche de ses premières amours

Paris, le 13/09/2005

Musicien de jazz avant d'être batteur de rock, Manu Katché a participé à plus de 200 albums, de Francis Cabrel à Sting, en passant par Kassav, Dire Straits. Avec Neighbourhood, il retourne à sa carrière personnelle, fort d'une popularité nouvelle acquise en tant que membre du jury de l'émission hebdomadaire Nouvelle star, diffusée par une chaîne de télévision française.

C'est l'un des batteurs les plus sollicités de la planète. Son répertoire téléphonique serait un trésor pour n'importe quel mordu de musique et de chanson tombant dessus par hasard. Aujourd'hui, Manu Katché arrête ses collaborations tous azimuts. Une mise en parenthèse pour renouer avec le plaisir d'écrire et de jouer du jazz, la première musique à l'avoir fait craquer. Entouré de musiciens de haute volée (Jan Garbarek, saxophone ; Tomasz Stanko, trompette ; Marcin Wasilewski, piano ; Slawomir Kurkiewicz, contrebasse), il sort un album 100% siglé jazz, Neighbourhood.

RFI Musique : Ce disque est-il la confirmation de l'adage qui veut que l'on n'échappe jamais à ses premières amours ?

Manu Katché : On n'échappe jamais à ses origines, surtout. Quand on choisit d'être batteur, donc défini par une omniprésence rythmique, pour faire ses classes, je ne vois pas quel cursus on peut avoir à part commencer par le jazz, évoluer vers la soul music, continuer par le funk et arriver au rock. Même si je joue avec plein de gens qui ne sont pas de formation jazz, ils y passent forcément à un moment donné. J'ai l'impression que dans une expérience de vie musicale, le jazz est vraiment un passage obligé.

Votre premier contact avec lui ?

À l'époque où je fréquentais le Conservatoire national supérieur de musique de Paris, je suivais une formation en percussion classique, mais parallèlement je commençais la batterie et à toucher un petit peu au be-bop. Je n'excellais pas, loin de là. Musicalement, j'ai toujours été attiré par les solistes. J'écoutais Parker, Coltrane, Miles, Monk. Ils m'ont "choqué", dans le bon sens. Je trouvais cela génial. Mon beau-père écoutait pas mal de jazz. Avant que je commence à en jouer, c'est un peu lui qui m'a donné l'envie, par les disques qu'il écoutait quand j'étais môme. Je ne suis pas un grand technicien de jazz mais en tout cas j'ai une approche de coeur énorme et, structurellement, je suis plus proche d'un musicien de jazz que d'un musicien de rock.

Dans quel sens ?

Je suis quelqu'un de très instinctif, qui joue beaucoup en écoutant les autres. Le rock, c'est écrit, assez précis dans les structures. Dès l'instant où il y a un refrain et un couplet, on ne peut pas modifier grand chose. Ce qui a fait ma caractéristique quand je suis arrivé dans ce milieu-là, via Peter Gabriel, en 1986, c'est que j'ai vraiment changé les données d'un batteur de rock. J'ai commencé à utiliser des toms, des cymbales Splash. En fait, j'ai plutôt une approche de la musique rock comme un musicien de jazz - je ne dirais pas "batteur de jazz", car je ne me considère pas comme tel, je suis trop respectueux des batteurs de jazz pour ça. Donc, oui, le jazz, ce sont mes premières amours et, pour moi, c'est une musique dans laquelle les solistes peuvent s'exprimer pleinement.

Pourtant, quand on écoute Neighbourhood, on n'a pas immédiatement l'impression d'écouter l'album d'un batteur. Vous y restez assez en retrait. Je prendrai cette remarque comme un compliment. Cela me rappelle une très belle phrase de Steve Gadd, à qui on demandait au cours d'une interview après un enregistrement avec Paul Simon, quel était l'album sur lequel il avait préféré jouer. Il avait répondu : "Justement, celui-ci, car c'est celui où on m'entend le moins."

Effectivement, un batteur, ça peut être vite envahissant, car la batterie est un instrument qui a tendance à être très démonstratif dans son volume sonore. J'aime favoriser la mélodie des harmonies, néanmoins, dans Neighbourhood, il y a une vraie tension rythmique en dessous, même si elle est jouée avec des nuances. Ce n'est pas quelque chose de complètement free, ouvert et "atempo" de A à Z. Je ne suis pas a priori un batteur démonstratif et, a fortiori en écrivant un album pour moi, je n'avais pas envie tout à coup de le devenir. Comme d'ailleurs pour celui que j'avais fait en 1991 (It's About Time, ndr), qui était un album chanté, dans lequel j'avais voulu volontairement appuyer sur les mélodies, les textes et les arrangements plutôt que de faire une démonstration de batterie. La démonstration peut avoir sa raison d'être dès l'instant où l'on est sur scène, parce que là on a une interactivité directe avec le public, et puis il y a un plaisir du moment.

Vous avez de fait une approche très mélodique de la batterie.

Mon premier instrument était le piano (commencé à l'âge de sept ans, ndr), donc j'ai une vraie sensibilité mélodique, de climats, d'ambiances. Je considère la batterie plus souvent comme un instrument mélodique que rythmique. Si l'on écoute tous les disques sur lesquels j'ai joué - pas loin de 300 je crois -, on va rarement pouvoir repérer un truc particulier que j'aurais fait à la batterie. Ce n'est pas ma carte de visite, j'ai plutôt tendance à construire quelque chose de sous-tendu par rapport à une rythmique, à une mélodie, qui fait que tout à coup ça crée quelque chose d'original.

Manu Katché Neighbourhood (ECM/Universal) 2005

Concerts : le 4 octobre à Paris à La Cigale : avec Jan Garbarek, Tomasz Stanko, Marcin Wasilewski, Slawomir Kurkiewicz.

En tournée avec Franck Avitabile (piano), Alex Tassel (trompette), Gildas Boclé (contrebasse).

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