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22 octobre 2005

Les baguettes magiques de Manu Katché

Après avoir joué pour la crème de la pop, le batteur retrouve Jan Garbarek et le jazz

Paris/Fabrice Gottraux

Il figure parmi les batteurs les plus demandés de la planète pop. Peter Gabriel, Sting, Stephan Eicher, ­Cabrel, Tori Amos... Impossible de citer ici toutes ses contributions (plus de 200 albums!). A 47 ans, Manu Katché est au sommet de son art et s'improvise une popularité grâce à son rôle d'expert dans l'émission de variété Nouvelle Star, sur M6.

Il y a deux semaines à l'Arena, le batteur français offrait une rythmique de rêve pour le concert à caractère humanitaire Fight Against Malaria avec Youssou N'Dour. Et le voici qui renoue avec son jardin secret, le jazz. En compagnie du saxophoniste Jan Garbarek et du trompettiste Tomasz Stanko - deux piliers du label allemand ECM -, Manu Katché signe son second album personnel, Neighbourhood, «voisinage»...

Pourquoi ce retour au jazz?

Je ne me considère pas comme batteur de jazz, même si j'ai une tendance à l'attitude du jazzman. Ma musique est instrumentale. C'est ce qui me définit le mieux. Ceci dit, John Coltrane ou Miles Davis ont toujours fait partie de mon environnement. C'est une musique extrêmement agréable et jouissive, qui me donne beaucoup de plaisir à l'écoute. Plus que le classique, que j'ai étudié au Conservatoire, le jazz me permet de voyager au gré des personnalités de chaque musicien. L'imaginaire que suggère cette musique, voilà ce que j'aime.

Vous-même voyagez d'un musicien, d'un style à un autre...

Du Brésil à la Nouvelle-Zélande, de la country à Gloria Estefan, ça reste moi. Je suis très diversifié. Ce que j'exporte, ce n'est pas mon savoir, mais mes impressions.

Vous avez un héritage afro?

J'ai reçu une éducation française, académique avec le piano classique. Mais dans mes gènes africains, je ressens quelque chose de particulier. En grandissant à Paris, dans les années septante, c'était exceptionnel. On pouvait écouter des musiques africaines, j'ai joué des musiques kabyles, de la soul, de la pop... Ce qui me permet de me conduire de façon différente selon les cas. Que ce soit avec un Croate ou un Macédonien, j'amène ma personnalité, une synthèse des musiques qui m'ont marqué. Et le côté «roots» africain, même si je ne joue pas de djembé ou de talking drums, me permet d'avoir un style particulier.

Votre album ne révolutionne pas le jazz...

Neighbourhood est un projet musical assez lisible, avec des références claires à l'album Birth of the Cool de Miles Davis. C'est aussi la réunion de deux entités. Jan Garbarek et moi-même jouons ensemble depuis dix ans. Tomasz Stanko a emmené ses jeunes musiciens, le pianiste Marcin Wasilewski et le contrebassiste Slawomir ­Kurkiewicz. Lorsqu'on a réalisé un casting avec Manfred Eicher (ndlr: directeur du label ECM), le jeu de Tomasz m'a captivé. C'est aussi une première: ­Tomasz et Jan n'avaient jamais joué ensemble.

Quel intérêt à participer à l'émission «Nouvelle Star»?

La popularité n'entache pas la musicalité. En donnant des conseils dans une émission populaire, je suis content d'apporter la petite pièce à un édifice plus vaste, qui donne à voir de nouveaux talents. Cela a son importance, au vu du marasme ambiant. J'amène aussi un crédit supplémentaire grâce à mon métier. Mais pas question d'être complaisant. Les albums produits par Nouvelle Star sont ce qu'ils sont! Au-delà, ça m'a médiatisé, bien sûr, au point de susciter des vocations de batteur chez les jeunes. J'ai reçu beaucoup de courrier, comme cette mère qui m'explique avoir inscrit son fils dans une école de musique... L'émission m'a aussi permis d'être présent à Paris pour développer ma carrière jazz.

Du jazz à la variété télé, un fossé irréductible?

N'oublions pas que le jazz, après-guerre, était une musique à danser! Personnellement, je suis contre l'élitisme. En France, il n'y a que deux radios pour écouter du jazz. C'est pauvre! Voir un batteur jouant du jazz à la téloche, voilà qui donne accès à un genre que beaucoup n'auraient pu entendre autrement. C'est ce qui manque à la musique instrumentale: la visibilité. Imaginez si l'on pouvait montrer des jam-sessions à la télévision. Ça serait génial!

Le monde a changé. On est dans la consommation rapide. Au XXIe siècle, nous n'avons plus le choix: si on veut se faire entendre, il faut faire avec la télévision. Et de plus, je suis métis, dans un pays où la prétendue intégration n'existe pas! Montrer qu'on peut y arriver avec un discours pas trop con, qu'on est Français comme les autres: cela me tient à cœur.

Manu Katché, «Neighbourhood», CD ECM/Phonag.

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